La récente diatribe du sénateur américain Jim Risch contre le pouvoir camerounais ne peut être réduite à un simple geste diplomatique. Elle s’inscrit dans une stratégie de communication politique mûrement orchestrée par Washington. Derrière les accusations de « réélection factice » et de « corruption endémique », c’est tout un récit de disqualification de la souveraineté africaine qui se déploie, un récit où l’Occident se réserve le rôle du juge moral et l’Afrique, celui du fautif permanent.
Ce type de sortie, calibrée dans son timing comme dans son vocabulaire, obéit à une logique de guerre symbolique. Elle intervient à un moment précis : quand la scène politique camerounaise est déjà en tension, quand le doute et la confusion dominent. L’objectif est clair, amplifier les fractures internes, nourrir la perception d’un État affaibli, et imposer une grille de lecture occidentale des dynamiques africaines. Ce que Jim Risch dénonce n’est pas seulement une élection ; il délégitime tout un système politique qui échappe à l’influence directe de Washington.
Le mot « régime » revient avec insistance dans son communiqué. Un terme choisi pour suggérer l’autoritarisme, l’illégitimité, la corruption. On ne parle plus d’un gouvernement, mais d’un pouvoir usurpé. Le lexique des droits humains et de la lutte contre le terrorisme, utilisé à dessein, n’est qu’un vernis moral sur une volonté de contrôle géopolitique. Ce discours s’inscrit dans une tradition de propagande diplomatique, d’isoler un État africain, le stigmatiser dans l’opinion mondiale, puis justifier, au nom de la démocratie, les ingérences économiques, militaires ou politiques à venir.
Face à cette offensive narrative, l’Afrique doit construire son propre langage politique. Il ne s’agit pas de défendre l’indéfendable, mais de refuser l’infantilisation. Le Cameroun, comme tout autre État africain, doit pouvoir débattre de ses contradictions internes sans que Washington ou Paris ne s’érigent en tuteurs autoproclamés de sa destinée. L’heure est venue pour les nations africaines d’opposer à la rhétorique de la tutelle occidentale une parole souveraine, lucide, et ancrée dans leurs réalités.
Car chaque fois qu’un sénateur américain parle du Cameroun, du Mali ou du Niger comme d’un problème, il ne fait que rappeler une vérité plus vaste, celle d’un Occident qui peine à accepter qu’un continent s’émancipe de son regard. Et c’est précisément là que se joue le véritable combat, celui de la reconquête du récit africain.















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