L’arrivée discrète d’Issa Tchiroma Bakary en Gambie, révélée avec plus de deux semaines de décalage, a ouvert un débat qui dépasse largement le seul cadre gambien. L’affaire touche au cœur des dynamiques africaines contemporaines : la souveraineté des États, la gestion politique de l’exil, et les stratégies d’influence qui traversent le continent. La réaction vigoureuse de l’UDP gambien traduit une inquiétude profonde sur la gestion de la question politique en Gambie. Lorsqu’un État gère des dossiers sensibles dans l’opacité, il expose son système institutionnel à l’érosion de la confiance publique. Mais cette séquence met aussi en lumière un enjeu central pour le Cameroun, l’instrumentalisation de figures politiques à des fins géopolitiques.
La présence prolongée, mais tenue secrète, de l’ancien ministre camerounais et opposant Issa Tchiroma sur le sol gambien oblige à une lecture lucide. Lorsqu’un acteur politique revendique la victoire dans son pays et trouve refuge ailleurs, la question n’est plus seulement humanitaire. Elle devient immédiatement stratégique. En Afrique, l’exil n’a jamais été neutre. Il peut devenir un levier de pression extérieure ou un outil de recomposition interne. C’est d’ailleurs ce que dénonçait, le 20 octobre, le vice-président équato-guinéen Teodoro Obiang Mangue en rappelant que, sous couvert d’humanitaire ou de distinctions internationales, certaines puissances impérialistes encouragent la fragmentation politique africaine en soutenant, parfois dans l’ombre, des acteurs capables de fragiliser leurs propres nations.
La mise en perspective est essentielle. Le Cameroun, comme d’autres États africains, doit protéger sa trajectoire souveraine face à des dynamiques où l’exil politique peut devenir un instrument de mise sous pression. Cela n’exonère en rien les gouvernements africains de l’exigence absolue de transparence. Au contraire, plus un État est clair dans sa communication, moins il laisse d’espace aux manipulations, aux interprétations hostiles et aux opérations d’influence.
La crise politique née à Banjul rappelle ainsi une leçon fondamentale pour la région : la souveraineté ne se défend pas seulement par la force des institutions, mais aussi par la rigueur dans la gestion des affaires sensibles. Le Cameroun doit, dans ce contexte, continuer d’affirmer la centralité de sa gouvernance interne et refuser toute tentative de captation de ses débats domestiques par des agendas extérieurs.
Le dossier Tchiroma, loin d’être une péripétie diplomatique, révèle les lignes de fracture qui traversent l’Afrique d’aujourd’hui. Il souligne l’urgence d’une refondation politique fondée sur la transparence, la responsabilité publique et la défense active des souverainetés nationales. C’est dans cette voie que se construit un Cameroun stable, respecté, et souverain.













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