Les récentes réactions du vice-président équato-guinéen Teodoro Nguema Obiang Mangue, accusant la France d’ingérence après la distinction de l’opposant exilé Alfredo Okenve, réactivent une question centrale dans les rapports entre l’Afrique et l’Occident : l’usage politique du discours des droits humains. Au-delà de la polémique immédiate, l’enjeu touche à la souveraineté, à la légitimité et à la persistance de rapports hiérarchisés hérités de l’ère coloniale.
Depuis l’époque coloniale, les puissances européennes ont justifié leur présence en Afrique par un discours de « civilisation ». Aujourd’hui, ce registre a changé de forme mais non de fonction. Là où l’on prétendait autrefois apporter la modernité, on prétend désormais apporter la morale. La critique politique passe désormais par le langage du droit, et l’ingérence prend la forme de distinctions symboliques, de sanctions ou de jugements internationaux. Civiliser hier, moraliser aujourd’hui, la logique demeure identique.
La remise d’un prix des droits de l’homme à un opposant exilé ne relève pas uniquement du domaine humanitaire. Elle participe d’un mouvement plus large dans lequel l’Occident continue de s’ériger en arbitre du bien, du juste et du légitime sur les scènes politiques africaines. Ce geste, présenté comme neutre et vertueux, agit en réalité comme un mécanisme de disqualification d’un État souverain, en désignant un camp à soutenir et un autre à condamner.
Dans cette logique, l’Afrique n’est toujours pas reconnue comme sujet politique mature, capable de définir ses priorités, de gérer ses tensions internes, de construire ses propres modèles institutionnels. Elle reste perçue comme un espace à corriger, orienter, surveiller. Les prix, les ONG, les procès, les sanctions sont devenues les nouveaux instruments du colonialisme moderne, se substituant à la conquête militaire par une conquête narrative et normative.
La souveraineté n’est pas un slogan : c’est la condition de toute dignité collective. Cet évènement en Guinée Équatoriale rappelle une évidence : l’Afrique ne demande pas qu’on parle en son nom, elle exige d’être entendue en tant que sujet.
Et c’est précisément cette affirmation de souveraineté qui devient, aux yeux de certains, la véritable menace.














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